La vérité sur les molécules de synthèse
Article publié le 10 décembre 2013 sur le magazine en ligne BEAUTISTAS
Auteur: Clémence
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Avec la vague du bio et la mode des produits naturels, les molécules de synthèse utilisées dans les parfums doivent faire face aux préjugés de consommateurs mal informés, qui associent à tort chimie et ennemi. Or sans chimie, aucun des parfums actuellement disponibles en parfumerie n’aurait pu voir le jour…
Les molécules de synthèse apparaissent dans la parfumerie avec le développement de la chimie organique, et notamment au milieu du XIXème siècle quand le chimiste britannique Sir William Henry Perkin fait des découvertes qui permettent la naissance en 1870 de la coumarine, une molécule à l’odeur de foin coupée, d’amande et de tabac qui marquera la parfumerie. Depuis, des molécules de synthèse naissent tous les jours dans les laboratoires de grands chercheurs, seules les plus intéressantes et nouvelles étant sélectionnées par les parfumeurs pour intégrer leur palette de création.
La chimie de synthèse permet de reproduire ou de créer une odeur, sur mesure, à partir de composés naturels ou synthétiques. Les molécules de synthèse peuvent être des « identiques nature », c’est à dire des molécules isolées ou reproduites en laboratoire, mais que l’on retrouve également dans la nature. Cette technique permet, entre autres, d’éviter l’exploitation intensive de matières premières protégées car menacées d’extinction. Mais les molécules de synthèse peuvent également être « artificielles », c’est-à-dire à ce jour encore jamais retrouvées dans la nature.
- La famille verte aux odeurs d’herbe coupée, de feuilles, de printemps qui apportent beaucoup d’éclat aux parfums
- La famille fruitée, car avant la synthèse, seuls le cassis et l’osmanthus (fleur chinoise apportant une note d’abricot) permettaient de reproduire une facette fruitée
- La famille gourmande avec ses parfums de vanille, de praline, de réglisse, de barbapapa, d’amande…
- La famille marine/aquatique et ses odeurs de mer, d’embruns
- La famille aldéhydée: les aldéhydes étant des molécules aux parfums souvent durs, métalliques ou gras, assez agressifs, mais qui, utilisés en très légères proportions, apportent beaucoup de puissance, de tenue et d’éclat aux parfums. C’est grâce aux aldéhydes qu’est né le parfum le plus acheté au monde, Chanel n°5, créé en 1921.
- La famille musquée, avec des odeurs rondes de propre, de peau…
Sans molécules de synthèse, impossible également de reproduire de nombreuses odeurs de fleurs fraîches, comme le lilas, le muguet, le chèvrefeuille, le jasmin frais, le freesia, la pivoine, la jacinthe, le magnolia… En effet, ces fleurs restent ‘muettes’ lorsqu’on essaye de les distiller ou d’en extraire leur odeur.
Depuis la naissance de cette parfumerie de synthèse, les parfums contiennent de plus en plus de molécules de synthèse, en petites ou grandes quantités. Il est vrai qu’un des intérêts majeurs de l’utilisation de ces molécules de synthèse par l’industrie est le faible coût et la stabilité de ces matières.
Il n’y a pas véritablement de règle, mais on estime aujourd’hui, que seulement 5% des compositions de parfums sont des ingrédients naturels. La parfumerie de niche est sûrement celle qui en utilise le plus, ce qui est rendu possible par leur production à plus faible échelle que les grandes marques internationales, avec des prix de fabrication et de vente souvent plus élevés.
« Si la nature est généreuse, la synthèse l’est infiniment plus, et de sa corne d’abondance, ce sont des milliers de produits qu’elle a apporté aux parfumeurs. »
– EDMOND ROUDNITSKA
Malgré cela, il subsiste un malentendu concernant les risques de la parfumerie de synthèse et la parfumerie naturelle: la plupart des consommateurs pensent que la parfumerie naturelle est sans risque contrairement à la synthèse. Or une huile essentielle naturelle contient plusieurs centaines de molécules, ceci multipliant le risque de tomber sur une molécule allergisante, comme par exemple l’iso eugénol dans l’huile essentielle de rose. Alors que la synthèse permet au contraire de retravailler ces molécules pour limiter les risques d’allergies…
Au final, les molécules de synthèse, loin d’être les ennemies de la parfumerie, ont permis de développer celle-ci, de la rendre plus accessible, d’ouvrir le champ des possibles pour les parfumeurs et de laisser ainsi libre cours à leur créativité. La qualité d’un parfum ne peut donc pas se juger sur le taux d’ingrédients naturels qu’il contient, mais sur sa sélection de matières premières, dont certaines peuvent être plus précieuses que l’or, comme l’ambrinol à 1700€/kg…